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« Si la collaboration des parents avec la puis-sance créatrice de Dieu dans le don de la vie à un futur élu du ciel est l’un des plus admi-rables desseins de la Providence qui voulait honorer l’humanité, leur collaboration dans la formation d’un chrétien n’est-elle pas plus admirable encore ? (1)»
Chers amis et bienfaiteurs
C’est avec ces mots que Pie XII exhortait de jeunes époux à envisager avec sérieux et enthousiasme la fin première de leur mariage, qui consiste bien d’abord à donner la vie et à éduquer les enfants que Dieu leur a donnés. Dans l’un et l’autre aspect de cette fin première se présente l’activité conjointe des deux parents, définie comme une « collaboration ».
Pour donner la vie, les parents, unis dans un don réciproque d’amour, collaborent avec Dieu qui crée l’âme de l’enfant dont la partie corporelle relève de l’acte de la génération. Et pour éduquer cette vie, il s’agit encore d’une collaboration des parents à la grâce de Dieu pour former l’enfant, l’éduquer dans toutes ses dimensions et faire de lui, bientôt avec la collaboration de l’enfant lui-même, un élu du ciel. Pie XI n’écrivait-il pas, dans son encyclique sur l’éducation chrétienne « La fin propre et immédiate de l’éducation chrétienne est de coopérer à l’action de la grâce divine dans la formation du véritable et parfait chrétien, c’est-à-dire à la formation du Christ lui-même dans les hommes régénérés par le baptême. »(2) ?
Parce qu’elle comporte une fin surnaturelle, l’éducation relève donc de l’Eglise qui, seule, possède les moyens surnaturels nécessaires à l’obtention de cette fin. La famille a donc besoin de l’Eglise, sans pour autant renoncer à la part qui lui revient, dans l’application des principes de vie chrétienne vécus au foyer. S’il revient, de droit naturel, aux parents d’éduquer ceux qu’ils ont engendrés, ils ne possèdent cependant pas tous les moyens nécessaires à la pleine réalisation de leur mission qui est, ultimement, d’ordre surnaturel.
Coopérer à l’action divine de la grâce pour former le Christ dans l’âme des enfants, telle est l’oeuvre à laquelle sont conviés par la Providence divine les parents, puis, dans leur prolongement, les éducateurs chrétiens qui oeuvrent dans les écoles. Là encore, entre les deux instances éducatives, il ne saurait être question d’autre chose qu’une collaboration harmonieuse, au risque de compromettre le bien de l’enfant. L’Eglise, qui a reçu du Christ lui-même le pouvoir et la charge d’enseigner pour éduquer et de sanctifier, doit non seulement transmettre les vérités divines, mais aussi tout ce qui contribue à l’élévation de l’enfant dans son savoir et sa culture, son caractère, sa sensibilité. Elle doit pouvoir trouver dans l’action des parents la sollicitude généreuse qui cherche à rendre effi-cace son action bienfaisante et complète. Pie XII se sert de l’image du jardinier pour ré-sumer les deux axes de l’éducation :
« Le jardinier a une double tâche : mettre la plante en état de tirer profit des condi-tions extérieures et de ne pas en souffrir ; travailler la terre et la plante elle-même pour le bien de sa croissance, de ses fleurs et de ses fruits. (3)»
Ainsi, le milieu dans lequel l’enfant est éduqué doit être favorable à la croissance de sa vie physique, intellectuelle et morale. Or, ce milieu, c’est d’abord la famille elle-même, puis ses extensions, le cercle familial plus large, les amis, les fréquentations, les activités de loisirs pratiquées. C’est ensuite l’école avec laquelle l’oeuvre d’instruction et d’éducation prend toute sa hauteur, par l’instruction philosophique et religieuse, par la réception des sacrements, élevant l’enfant à l’âge où il doit prendre une part active à la « culture » de toute sa personnalité, où il est confronté à la dimension sociale plus large qu’impliquent les premiers pas d’une vie prolongée hors du cadre simplement familial.
Dans tous ces milieux de vie, il faut veiller à ce que « la plante » ne souffre pas des conditions extérieures mais qu’elle en tire profit. Il revient donc aux adultes de protéger l’enfant contre tout ce qui pourrait le corrompre et nuire à son éducation, non pas dans une suppression illusoire de toute difficulté ou de tout danger, mais dans une préservation prudente qui saura, face aux dangers, faire preuve de discernement, de conseil et de force. Il ne faut pas mettre l’enfant en danger mais lui apprendre à surmonter les dangers qu’il ne peut éviter, en plus de lui faire aimer la vérité, la vertu et le sens du bien commun.
Il serait dramatique que des parents, conscients du danger pour la foi ou pour la vie morale qu’encourt leur enfant, ne cherchent pas à l’en protéger, sous prétexte qu’il pourrait ainsi se « confronter au réel ». Face au danger de l’erreur, qui touche la connaissance et donc l’intelligence, la vérité affirmée et connue pourra renforcer celui qui y a été confronté, à condition d’avoir accès à des sources fiables de vérité. Mais face au vice et au scandale, la sensibilité et la volonté de l’enfant seront toujours blessées, fragilisées et tentées, souvent marquées à vie. On ne traite pas de la même manière une source d’erreur et une source de vice. On évite au mieux la première, on s’interdit la seconde.
Enfin, Pie XII, parlait de « travailler la terre et la plante elle-même pour le bien de sa croissance, de ses fleurs et de ses fruits ». C’est là tout le travail de l’acquisition des vertus et de l’extirpation des vices, qui doit s’opérer avec le concours de l’enfant et l’indispensable recours aux moyens de la grâce que sont les sacrements, la prière, la vie en Dieu, la vie du Christ dans l’âme de l’enfant.
Si parents ou éducateurs oublient ces grandes vérités, alors ils compromettent l’oeuvre même de l’éducation des enfants dont ils ont la charge. La négligence à préserver les enfants des sources massives de corruption (l’usage libre d’internet en est l’exemple typique aujourd’hui) ou à les « arroser » des bienfaits de la grâce (doctrine, messe, sacrements) est un manquement grave sur lesquels tous seront jugés au terme de leur mission sur terre. A l’inverse, ceux qui auront cherché à rapprocher de Jésus-Christ les enfants recevront la récompense promise aux ouvriers de la Vigne et à ceux de la Moisson.
Abbé Philippe Bourrat, Directeur de l’enseignement du District de France de la FSSPX
Source : La Porte Latine du 19 octobre 2017
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