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Le 24 janvier 2009, Benoît XVI
lève les excommunications des quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre. A
l’occasion de cet anniversaire, l’abbé Benoît de Jorna, supérieur du
district de France de la Fraternité Saint-Pie X, replace ces événements
dans leur contexte.
Présent : Le 1er juillet 1988, Rome a prononcé l’excommunication de Mgr Lefebvre et des quatre évêques qu’il avait sacrés sans sa permission en juin de la même année. Pouvez-vous nous rappeler le contexte ?
Mgr Lefebvre, en 1984, écrit Lettre aux catholiques perplexes,
et termine en disant : « J’espère qu’un évêque se lèvera pour
poursuivre l’œuvre que j’ai entreprise et sauver le sacerdoce pour le
sacrifice de la messe. » En 1986 se tient la première réunion œcuménique d’Assise,
qui scandalise, au sens strict, Mgr Lefebvre, et celui-ci réagit en
disant : « Puisqu’aucun évêque n’a été capable de se lever devant ce
scandale, je ne peux compter sur aucun. Je devrai donc me donner à
moi-même les moyens de poursuivre l’œuvre que la Providence m’a
confiée. » Il va alors nourrir le projet de sacrer des évêques.
Mgr Lefebvre ne s’est-il pas interrogé jusqu’au dernier moment ?
Jusqu’au dernier moment, il a
toujours espéré que Rome concéderait ce sacre. Il y a eu entre-temps la
visite canonique, à Ecône, du cardinal Gagnon et de Mgr Perl (qui est
mort le 21 juillet de l’an passé).
Mgr Lefebvre a toujours cherché à
ce que Rome donne la permission. Mais il a constaté un refus sans
motif et a priori. Des tergiversations sans fin, qui laissaient penser
qu’on attendait qu’il disparaisse.
La levée a eu lieu le 24 janvier 2009. Par quoi a été justifiée cette décision du pape Benoît XVI ?
Tout simplement parce que cette
excommunication était sans valeur. On a enlevé ce qui n’était pas
justifié. Quand quelqu’un est excommunié, il faut qu’il vienne à
résipiscence pour que la sentence soit levée. Cela n’a pas été le cas,
ce qui prouve l’inanité de cette sentence.
Les décisions du pape
François vis-à-vis de la Fraternité (octroi du pouvoir de confesser et
de marier) ne vont-elles pas dans le même sens : removens prohibens (enlever ce qui gêne) ?
Il est difficile de savoir ce que
veut le pape François. Mais Rome voit sans doute cela comme une façon
de montrer sa bienveillance à notre égard.
Il se dit que Mgr
Huonder, l’évêque de Coire, en Suisse, ami de la Fraternité Saint-Pie X
mais également proche du pape François, va se retirer au sein d’une
école tenue par la Fraternité en Suisse, avec l’aval du pape. On peut
donc officiellement prendre sa retraite au sein de la Fraternité, comme
au sein de n’importe quelle autre congrégation ?
Effectivement, Mgr Huonder a bien
manifesté ce projet. Mais il est encore à la tête de son diocèse. La
réalisation est donc pour le futur et Dieu seul le connaît.
Vous avez été nommé à la tête du District de France à la rentrée dernière, après avoir occupé ce poste et l’avoir quitté pour 22 années passées à Ecône. Quels changements notez-vous, à la fois dans le district et dans le pays ?
Je remarque dans le pays une
décadence galopante des mœurs sociologiques, politiques etc., et je le
constate d’autant mieux que j’ai été absent durant toutes ces années.
Les gens ne communiquent plus qu’avec eux-mêmes, on vit en quelque
sorte dans un monde d’autistes.
En revanche, je vois une jouvence
du district. L’écart se creuse entre le monde dans lequel nous sommes
et duquel nous ne sommes pas, et les fidèles.
Plus de fidèles qu’il y a 22 ans ?
Plus de fidèles, plus d’enfants
dans les écoles, une grande extension, qui m’a heureusement surpris.
180 prêtres, le maximum que nous ayons jamais eu (nous en avions 100 il
y a 25 ans).
La Fraternité a-t-elle beaucoup de prêtres missionnaires, hors de France ?
Trop ! Au moins une soixantaine. Je les préférerais bien sûr en France. Les écoles manquent cruellement de prêtres. La nécessité est encore plus grande que pour le ministère.
Supérieur du
séminaire à Ecône, vous avez formé la plupart des prêtres aujourd’hui
en poste en France. Cela vous facilite-t-il la tâche ou, au contraire,
la complique-t-elle ?
Cela me facilite énormément la
tâche. La connaissance que j’ai eue de tous les prêtres comme
séminaristes m’aide beaucoup. Celle qu’ils ont de moi joue aussi. La
communication est excellente.
Quel est pour vous le rôle de la Fraternité aujourd’hui ?
Un rôle d’éperon dans la conquête
du Christ Roi, c’est-à-dire du Royaume de la grâce. La Fraternité
reste une sorte de navire-amiral, avec de petits navires parallèles
qui, de temps en temps, voudraient la déborder sur sa droite ou sur sa
gauche. Je parle là des communautés amies.
Il n’empêche que la Fraternité garde son rôle d’éperon, ce à quoi sont
attentives des communautés Ecclesia Dei et même des évêques français,
même s’ils ne le disent pas. Je pense à certains qui restent attentifs,
et même avec bienveillance. J’en ai rencontré quelques-uns et je vais
encore en rencontrer. Ils nous reçoivent avec amabilité, l’un ou
l’autre n’étant pas sans être intéressé par le fait que, dans certaines
conditions, nous pouvons représenter une solution pour occuper des
églises du diocèse, par exemple. Les maires, qui en ont la
responsabilité, n’ont pas toujours envie d’entretenir des bâtiments
vides. Mais les évêques ne veulent pas nécessairement les désaffecter.
Nous pouvons alors représenter une solution. Certains l’envisagent, et
c’est pour nous une perspective d’avenir.
Par quel biais ces évêques prennent-ils connaissance de ce que vous faites ? Le site La Porte latine ? La Lettre à nos frères prêtres ?
Plutôt par La Porte latine,
qui reste une excellente source d’informations pratiques. Ceux que
j’ai rencontrés connaissent les chapelles locales, celles que nous
avons dans leur diocèse. Les rapports avec nos prêtres ont d’ailleurs
beaucoup changé. Il y a 25 ans, nos prêtres ne pouvaient avoir de
contact avec l’évêque du diocèse dans lequel ils avaient une chapelle.
Aujourd’hui, ils sont reçus quand ils le demandent, comme tout un
chacun. Et fort aimablement. Mais les évêques considèrent toujours que
nous ne sommes pas « en pleine communion », et nous le disent.
Quels sont vos objectifs en tant que supérieur du District de France ?
Manifester davantage notre
cohérence doctrinale et pratique, en relançant notamment une revue
doctrinale, qui pourrait intéresser les prêtres, les fidèles mais aussi
les universitaires. Affaire à suivre !
Propos recueillis par Anne Le Pape
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