Conte de Noël d’un miracle qui s’est véritablement passé en novembre 2016 aux Philippines

Comme de misérables pantins, ils avançaient sur le chemin rocailleux de la colline. Depuis trois jours, ils fuyaient leur village dévasté par une tribu de rebelles. Le carnage avait été terrible : les intrus étaient arrivés la nuit sans crier gare, et s’étaient introduits dans les cabanes en saccageant tout. Quelques villageois chanceux avaient eu le temps de fuir à travers champs. Ils arrivaient maintenant dans la vallée, harassés de fatigue et de peur, fiévreux, terrassés par la faim… C’était une tribu misérable qui avait survécu dans la montagne à la suite d’un terrible typhon. Avant cette fuite désespérée, beaucoup étaient déjà en piteux état.

Quand ils furent enfin en vue d’un village, la nuit était déjà tombée. Première maison, aucune lumière. Deuxième, pas de réponse. Troisième, un silence de mort. Ils désespérèrent vite de trouver un refuge pour la nuit. Les enfants pleuraient, un vieil homme boiteux étouffait un gémissement à chaque pas, tandis qu’une pâle jeune fille au cœur malade avançait péniblement. Chaque respiration l’affaiblissait, des larmes d’épuisement coulaient sur son maigre visage… Deux jeunes gens soutenaient Elena pendant que sa mère l’éventait avec des feuilles de bananier. Non, il ne fallait pas qu’elle meure, peut-être si proche du salut !

Ce fut un enfant qui la vit le premier :

– Maman, regarde l’étoile, elle se balance au-dessus de nous, on dirait qu’elle nous fait signe !

– Ne dis pas n’importe quoi, Rosmar, c’est ta tête qui tourne… Allez, donne-moi la main et regarde plutôt où tu mets les pieds.

– Mais je t’assure, elle n’est pas comme les autres ! Oh ! Elle avance, il faut la suivre !

En effet, à ce moment-là, tous levèrent la tête. On aurait dit une étoile filante, mais beaucoup plus lente et majestueuse, comme si elle voulait prendre sous ses rayons ce petit troupeau abandonné, et le ramener au bercail sain et sauf. En même temps qu’ils regardaient l’étoile, ils s’étaient mis à marcher sans même s’en rendre compte. Personne ne parlait, il y avait quelque chose de magique à suivre ce guide incandescent venu d’au-delà des nuages.

Soudain, le paysage sembla s’animer. Ils étaient arrivés en plein cœur du village ; un bâtiment haut se dressait devant eux. Une douce lumière s’échappait de ses fenêtres et venait éclairer les alentours. Les enfants passaient des larmes au rire, Rosmar n’avait d’yeux que pour son étoile, et le vieux chef de tribu ne savait trop que penser, d’autant que l’étoile s’était arrêtée là, comme si sa mission était finie… Tandis que les autres attendaient dehors, il s’avança prudemment vers l’église, poussa le lourd vantail de la grande porte, et risqua un œil à l’intérieur.

Tout d’abord ébloui par la vive lumière, le vieil homme ne parvint pas à discerner clairement ce qui se passait à l’intérieur. Mais bientôt il se frotta les yeux pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Jamais il n’avait vu une telle merveille !

D’un bond il rejoignit le petit groupe amassé contre le mur.

– Venez voir, c’est incroyable ! Venez vite ! 

Tous le suivirent en courant, intrigués et curieux. Les enfants se turent d’un seul coup, bouche bée devant ce qu’ils voyaient : des myriades de lumignons en écorce de noix de coco pendaient sous la voûte, il y avait des fleurs partout, beaucoup de monde, et des personnes tout devant habillées de longues aubes. Sur le côté, installés dans la verdure, des personnages en bois revêtus de curieux costumes composaient une scène champêtre. Que pouvait bien signifier tout cela ?

Le chef retenait son monde comme il pouvait, il ne fallait pas déranger cette assemblée. Elena, plus que tous les autres, semblait hypnotisée ; le souffle court, elle n’avait d’yeux que pour la scène du côté, où elle distinguait un visage d’enfant qui émergeait de la paille.

C’est alors qu’une jeune femme s’avança vers eux. Son sourire était doux et paisible. Elle marchait avec grâce et lenteur, vêtue d’un souple malong couleur de l’Océan et d’un voile de soie aux reflets mordorés. Ouvrant ses bras en signe de bienvenue, elle s’adressa à eux dans leur dialecte visaya :

– Ne partez pas, vous serez mes hôtes ce soir… 

– Mais… qui êtes-vous ? Et qui sont tous ces gens ? 

– Mes invités aussi. Mon fils et moi serions heureux de vous accueillir et de vous aider. Vous avez besoin de repos, après cette longue marche. Elena surtout, je crois.

Interloqués, tous se regardaient, cherchant à comprendre comment cette femme pouvait bien les connaître. Mais personne n’osa poser de question à la belle dame qui, déjà, les invitait à la suivre.

– Voici mon fils. C’est lui qui vous a envoyé l’étoile et vous l’avez suivie. Soyez bénis pour votre confiance. 

Les réfugiés étaient alors arrivés devant le décor de verdure. Ils voyaient devant eux un nouveau-né couché dans la paille, qui souriait en les voyant venir. Ce qui frappa Rosmar, c’était la lumière qui se dégageait de l’enfant, la même que son étoile. Les plus jeunes souriaient au petit, les femmes ne savaient quelle contenance avoir, et le vieux chef sentait l’émotion le gagner. Quant à Elena, elle s’était étendue dans un coin, le souffle court et le cœur bien affaibli.  

A côté d’eux, tout le monde chantait et semblait heureux. Un sourire de leur gracieuse hôtesse les fit tous mettre à genoux, comme par enchantement. A part quelques rituels en l’honneur de Bathala et Sidapa, ils n’avaient pas l’habitude de prier. Mais là, devant cet enfant à la fois frêle et puissant, ils se sentaient rassurés par une force qui les dépassait. Désormais ils n’avaient plus rien à craindre, ce Dieu –car ils devinaient qu’il en était un- ne les abandonnerait pas.

– Mon enfant est Fils de Dieu. Il est venu pauvrement sur la terre pour sauver les humbles et régner dans nos cœurs. Priez-Le avec confiance, et Il vous exaucera.

L’Enfant Dieu leur sourit de nouveau et ouvrit toutes grandes ses deux petites mains. A ce moment, l’inimaginable se produisit : la belle dame vint prendre son petit et se dirigea vers le coin où reposait Elena. Elle aida la jeune fille à s’asseoir et déposa le nouveau-né sur son cœur malade. Le visage de la mourante, blanc comme l’écume des vagues quelques minutes auparavant, prit d’un seul coup des couleurs rosées, les yeux brillèrent à nouveau, et les lèvres esquissèrent un timide sourire… Ses bras se serrèrent sur l’enfant miraculeux ; elle avait la certitude qu’il venait de la guérir. Tandis que les autres la regardaient avec inquiétude, elle se leva et se dirigea calmement vers sa mère qui n’en croyait pas ses yeux ! Alors tous tombèrent à nouveau à genoux, et pour la première fois de leur vie, ils prièrent avec ferveur.

Cependant, les enfants commençaient à s’agiter. Rosmar murmurait un secret à l’oreille de ses amis. Un conciliabule commença et chacun semblait d’accord sur le plan à adopter. L’un d’eux tira son père par la manche :

– Eh, papa, la belle dame a dit que son fils était un dieu et un roi. Il faut lui faire des cadeaux et lui offrir une couronne ! Il nous invite chez lui ce soir, et en plus il a guéri Elena !

Les réfugiés sortirent pour faire l’inventaire de leurs maigres bagages. C’était touchant de les voir étaler le peu qu’ils possédaient, en se demandant comment ils pourraient en faire une offrande digne d’un roi. Deux hommes firent un berceau avec leurs bâtons de marche et des feuilles de manguiers, un pêcheur proposa aux femmes de faire un collier avec quelques perles qu’il gardait précieusement sur lui. Et les enfants, sous la conduite de Rosmar, fabriquaient une couronne en feuilles de bananier.

Après une heure de travail joyeux, le vieux chef rassembla tout le monde. Il s’agissait cette fois de faire une entrée plus digne pour remercier leurs hôtes princiers. Ils s’avancèrent donc dans la nef principale, en tenant fièrement leurs précieux présents. Mais à leur grande stupeur, il n’y avait plus personne pour les accueillir, l’église était vide, et leur hôtesse ne venait pas à leur rencontre… Avaient-ils rêvé ? Le cauchemar allait-il recommencer ?

Rosmar avait vu l’étoile, c’est lui qui retrouva la dame :

– Regardez, elle est là-bas, dans la crèche, mais on dirait une statue !

– Et son enfant, dit Elena, est couché dans la paille, comme je l’ai vu au début.

On se dirigea donc sur le côté. En effet, au milieu des autres personnages en bois, la femme au doux sourire s’était figée dans la verdure. L’enfant reposait à ses pieds, les bras étendus vers ses hôtes. Après la première déception, chacun déposa son présent, et Rosmar vint délicatement couronner son nouveau roi. Comme il se relevait, il vit que l’enfant Dieu avait un papier glissé dans sa main droite. Il le tendit naïvement à Elena :

– Tiens, c’est pour toi puisque c’est toi qu’Il a guérie.

La jeune fille ouvrit le papier dans un silence recueilli, les mains tremblantes :

 « Gentils amis philippins, vous avez cru en l’étoile et êtes venus jusqu’à moi ; vous n’aviez rien et avez tout donné. Recevez ma bénédiction. Ce village vous gardera dans la paix vous n’y connaîtrez plus le danger si vous restez fidèles à ma parole. »

Les yeux brillants de larmes, le vieux chef récita une prière qu’il n’avait jamais apprise, et tous adorèrent l’Enfant-Jésus en silence. Seul, Rosmar eut une distraction, en voyant son étoile qui luisait au-dessus de la grotte miraculeuse.

Note à l’attention des lecteurs : le miracle de la jeune fille au cœur malade s’est véritablement passé aux Philippines en novembre dernier. Ses parents ont fait un pèlerinage dans une de nos missions près de GenSan, et leur fille était complètement guérie au retour. Depuis, ils crient partout au miracle, et notre petite mission déborde de nouveaux venus !

Jeanne de Vençay

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