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« C’est une exhortation apostolique qui porte pour titre : La joie de l’amour, et qui nous fait pleurer. » Sermon de Mgr Fellay au Puy-en-Velay, 10 avril 2016
1 – Parmi les nombreuses prises de position, explications et commentaires publiés sur Amoris lætitia, trois études faites par des prêtres de notre Fraternité ont récemment paru : L’exhortation post-synodale Amoris lætitia : une victoire du subjectivisme de l’abbé Matthias Gaudron; Brèves considérations sur le chapitre 8 de l’Exhortation pontificale Amoris lætitia de l’abbé Jean-Michel Gleize; Après le Synode : l’indissolubilité en question de l’abbé Christian Thouvenot. La Maison générale approuve ces études et y souscrit entièrement. Elles se complètent harmonieusement et donnent une vue d’ensemble du document du pape François.
2 – La procédure suivie lors des deux synodes et les circonstances qui les ont entourés, ont déjà soulevé de nombreuses interrogations : au consistoire extraordinaire de février 2014, seul le cardinal Walter Kasper avait été invité à préciser le thème du synode, alors qu’il est notoire qu’il militait depuis des années pour la levée de l’interdiction de droit divin de donner le Corps du Christ aux pécheurs publics. Le rapport intermédiaire, Relatio post disceptationem, publié en octobre 2014 pendant le premier synode, ne correspondait pas aux résultats des discussions. Dans le rapport final, des thèmes se trouvèrent intégrés, alors qu’ils n’avaient pas été approuvés par le synode. Juste avant le deuxième synode ordinaire, le pape publiait deux Motu proprio qui concernaient exactement le sujet du synode, en facilitant la procédure canonique des déclarations de nullité des mariages. Et une lettre confidentielle de 13 cardinaux qui exprimait des craintes sur le résultat du synode, était publiquement qualifiée de « conspiration ».
3 – La question de l’admission des divorcés « remariés » à la Sainte Communion a déjà été traitée plusieurs fois par l’Eglise, qui y a répondu clairement, et même encore ces derniers temps[1]. Une nouvelle discussion sur l’enseignement constant et la pratique de l’Eglise ne pouvait donc être que préjudiciable et de nature à les obscurcir, plutôt qu’à les mettre en lumière. C’est ce qui est arrivé.
4 – Dans un document pontifical on s’attend à trouver un exposé clair du magistère de l’Eglise et de la vie chrétienne. Or, comme d’autres l’ont fait remarquer avec raison, Amoris lætitia est davantage « un traité de psychologie, de pédagogie, de théologie morale et pastorale, et de spiritualité ». L’Eglise a la mission de proclamer l’enseignement de Jésus-Christ à temps et à contretemps et de donner les conclusions qui s’imposent pour le bien des âmes. Il lui incombe de rappeler la Loi de Dieu, et non pas de la minimiser ni d’expliquer comment, en certains cas, elle serait inapplicable. Elle se doit d’affirmer les principes dont elle laisse l’application concrète au pasteur des âmes, au confesseur, ainsi qu’à la conscience éclairée par la foi, règle prochaine de l’agir humain.
5 – Dans sa recherche d’une pastorale de la miséricorde, le texte est à certains endroits marqué par le subjectivisme et le relativisme moral. La règle objective est remplacée, à la manière protestante, par la conscience personnelle. Ce poison prend ses racines, entre autres, dans le personnalisme, qui, dans la pastorale familiale, ne met plus le don de la vie et le bien de la famille au premier plan, mais l’épanouissement personnel et le développement spirituel des époux. A ce sujet, on ne peut que déplorer, une fois de plus, l’inversion des fins du mariage esquissée dans la constitution pastorale Gaudium et spes du concile Vatican II, inversion que l’on retrouve aussi dans Amoris lætitia. La soi-disant « loi de gradualité » met la morale catholique sens dessus dessous.
6 – Les conséquences d’Amoris lætitia se font déjà sentir dans l’Eglise : un curé, conformément à son devoir, refuse de donner le Corps du Christ aux pécheurs publics, tandis qu’un autre invite tout le monde à la sainte Communion. Le Président de la Conférence épiscopale des Philippines a déclaré qu’Amoris lætitia serait immédiatement mis en pratique dans son pays et que par conséquent, dans certains cas, des personnes divorcées et « remariées » recevront la Communion[2]. Une division profonde se dessine au sein de l’épiscopat et du Sacré Collège. Les fidèles sont désorientés, toute l’Eglise souffre de cette déchirure. Remettre en question l’obligation d’observer en tous les cas les commandements de Dieu, en particulier celui de la fidélité conjugale, c’est capituler devant le diktat des faits et de l’esprit du temps : en de nombreux pays déjà – comme en Allemagne, par exemple –, on foule aux pieds depuis bien longtemps la pratique qui découle du commandement divin. Au lieu d’élever ce qui est au niveau de ce qui doit être, on rabaisse ce qui doit être à ce qui est, à la morale permissive des modernistes et des progressistes. Les fidèles dont le mariage est brisé, mais qui, dans cette situation, sont restés fidèles à la promesse qu’ils ont faite devant l’autel, de façon très vertueuse et parfois héroïque, se sentent trahis. C’est à en pleurer.
7 – Nous implorons le Saint Père humblement, mais résolument, de réviser l’Exhortation Amoris lætitia et tout particulièrement son chapitre 8. Comme dans les textes de Vatican II, ce qui est ambigu doit être interprété de façon claire, et ce qui est en contradiction avec la doctrine et la pratique constante de l’Eglise doit être retiré, pour la gloire de Dieu, pour le bien de toute l’Eglise, pour le salut des âmes, spécialement de celles qui sont en danger de se laisser tromper par l’apparence d’une fausse miséricorde.
Menzingen, le 2 mai 2016, en la fête de saint Athanase
Source : La Porte Latine du 6 mai 2016
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