Cher frère, Chère sœur,
Noël nous fait célébrer la venue du Prince de la paix annoncé par le prophète Isaïe. [Is., 9,6 et 4ème antienne de Vêpres]. Cette paix est annoncée aux bergers par les anges : « paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ». Le Sauveur Lui-même vient l’apporter au monde et Il en fera bientôt une des ses huit béatitudes : « Bienheureux les pacifiques, on les appellera fils de Dieu ». [Mt 5, 9].
Mais peut-on avoir la paix sur la terre ? La paix parfaite, non : il y aura toujours ici-bas des luttes, des difficultés ; mais la paix véritable, oui, car Jésus l’a promise et nous l’a donnée.
Qu’est-ce au juste que la paix ? Saint Augustin l’a définie « la tranquillité de l’ordre » ; c’est le repos qu’on éprouve quand tout est en ordre. On peut dire qu’elle est le climat de Dieu, que c’est Dieu Lui-même. Dieu, la paix même, dit saint Bernard, met la paix partout où il habite : Le contempler, c’est être au sein de la paix. [Sermon 23 sur le Cantique des cantiques]. Parlant du Messie le prophète Michée dit qu’il sera la paix. [Mich., 5.]. En venant au monde, écrit saint Paul, Jésus-Christ nous a apporté la bonne nouvelle de la paix. [Eph., 2, 17]. Lorsque nous étions ennemis, dit cet apôtre, nous avons été réconciliés à Dieu par la mort de son Fils. [Rom., 5, 10.]. Et quand le prophète Isaïe annonce que « son empire se multipliera et que sa paix n’aura pas de fin » [Is., 9,7.], il annonce la paix éternelle, au ciel, et celle qui en est le prélude, dans les âmes sanctifiées par la grâce, la paix intérieure dont jouissent les âmes dans lesquelles règne la charité.
Ainsi avant de mourir, Jésus déclare-t-Il à ses disciples : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas comme le monde la donne que je vous la donne. Que votre cœur ne se trouble pas, et qu’il ne s’effraie pas. » [Jn, 14, 27.]. Il faut que nous recevions cette paix. Pour cela il faut nous ouvrir. Il faut être réceptif à cette paix, car originellement nous n’avons pas la paix : celle-ci étant le résultat de l’ordre, de l’harmonie, il faut reconquérir cette harmonie, et c’est le travail de toute la vie. Notre paix dépendra de nos rapports avec Dieu. C’est parce qu’on s’est écarté de Dieu qu’on éprouve le désordre dans tous les domaines ; si l’on revient à Dieu, l’ordre se rétablit. Si l’on veut se fixer dans la paix, il faut se fixer en Dieu, s’enraciner en Jésus et en son amour. Pour que la paix règne dans nos âmes, il faut accomplir la volonté de Dieu : « Que votre règne arrive, Que votre volonté soit faite ! », que la région profonde de l’âme soit absolument possédée par cet amour de la volonté de Dieu. Alors peu importe ce qui se passe dans les régions superficielles, peu importent les sécheresses, les tentations, les épreuves de tout genre, et même les scrupules permis par Dieu ; peu importe la manière dont on nous traite. Soi-même on ne compte plus ; on n’a qu’un seul désir : Dieu, et non pour soi mais pour Lui, sa divine volonté.
La paix, fruit de l’abandon, est le fruit du don de sagesse, le propre des vrais enfants de Dieu, sagesse qui fait juger tout par la règle suprême, d’où un ordre parfait, une paix souveraine.
« Bienheureux les pacifiques, on les appellera fils de Dieu. » [Mt 5, 9.]. « Les pacifiques, disait Mgr Gay, ceux qui ont un tel trésor de paix qu’ils la répandent tout autour d’eux, […] ce sont les enfants de Dieu ; et les enfants de Dieu par excellence, ce sont les âmes abandonnées. » [Vie et vertus chrétiennes, Éd. Oudin frères, Poitiers, 1897, t. 2, Abandon III, p. 387-388.]. C’est l’Esprit de sagesse qui apprend à regarder Dieu comme le tout, et le Père, Sa gloire et l’accomplissement de Sa volonté comme la seule chose à désirer, le bonheur de Lui plaire comme le plus grand avantage. On est alors de vrais enfants de Dieu. La sagesse, la paix, c’est quand le tout de l’âme est le tout de Dieu. N’être qu’à Dieu, ne voir que Dieu, Sa gloire, Son bon plaisir. Il n’est pas moins en la tribulation qu’en la prospérité : on demeure donc toujours en paix. « Que rien ne te trouble, que rien ne t’épouvante. Tout passe, Dieu ne change point. La patience obtient tout. Quand on a Dieu, rien ne manque. Dieu seul suffit » disait sainte Thérèse de Jésus qui nous indique encore quelques dispositions à respecter pour obtenir la paix intérieure :
– En gardant la règle: « Il importe beaucoup de comprendre combien il nous est avantageux » [d’observer les trois points suivants de la Constitution,] « si nous voulons jouir à l’intérieur et à l’extérieur de la paix que Notre-Seigneur nous a tant recommandée. Le premier est l’amour mutuel ; le deuxième, le détachement de tout ce qui est créé ; le troisième, l’humilité véritable. Ce point […] est cependant le principal, et il embrasse tous les autres. » [Chemin de perfection, ch. 4, 4, in Thérèse d’Avila. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 1995, p. 712.].
En gardant la charité : Se garder des amitiés particulières : « Ce que je vous dis vous paraît peut-être excessif, et cependant, croyez-moi, mes sœurs, c’est la source d’une grande perfection, d’une paix profonde ; par là, on évite à celles qui ne sont pas encore très fortes beaucoup d’occasions de péché. » [Chemin de Perfection, ch. 4, 7, op. cit., p. 713.]. Et il faut éviter de juger : « Le soin de remarquer dans les autres des vétilles — qui parfois ne seront même pas des imperfections et que peut-être notre ignorance seule nous fera prendre en mauvaise part — pourrait nous faire perdre la paix de l’âme, et même la faire perdre aux autres. » [Premières Demeures, ch. 2, 18, op. cit., p. 982.].
– En gardant l’humilité : « Croyez-le, quand une âme est véritablement humble, Dieu ne lui accorderait-il jamais de consolations, il lui donnera une paix et une conformité à sa volonté qui la rendront plus heureuse que d’autres avec leurs consolations. » [Troisièmes Demeures, ch. 1, 9, op. cit., p. 1002].
Et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus nous apprend par les exemples de sa vie à goûter ce fruit du Saint-Esprit qui procure la joie parfaite. « Ah !quelle paix inonde l’âme lorsqu’elle s’élève au-dessus des sentiments de la nature. […] Non, il n’est pas de joie comparable à celle que goûte le véritable pauvre d’esprit… » [Manuscrit C, 16 r°, in Thérèse de Lisieux. Œuvres complètes, Paris, Cerf-DDB, 2009, p. 256.].« Je n’ai plus du tout attaché d’importance à l’opinion des créatures et cette impression s’est tellement développée en moi qu’à présent les blâmes, les compliments, tout glisse sur moi sans laisser la plus légère empreinte. » [Le carnet jaune, 25 juillet 1897, in Œuvres complètes, op. cit., p. 1059, 15.].
Ô mon Dieu ! Si Vous êtes le centre de Votre paix, Vous l’êtes aussi de la mienne. Faites-moi donc la grâce que je ne la recherche et ne la trouve qu’en Vous ; et pour cet effet, que je Vous sois uniquement attaché, par la grâce et par l’amour. Que je sois aussi pacifique, à Votre imitation, afin que, comme ami de la paix, je mérite d’être du nombre de Vos enfants, selon la promesse de Votre Fils quand Il a dit : Heureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés les enfants de Dieu. [Mt, 5, 9.]
Que Notre-Dame, Reine de la paix, nous obtienne cette grâce de son divin Fils afin que notre joie soit parfaite !
† Je vous bénis.
Abbé L.-P. Dubrœucq, prêtre de la FSSPX
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