Les droits de la vérité, les « non-droits » de l’erreur

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Rapport du R. P. Philipe C. SS. R. le 30 novembre 1922 au Congrès de la Ligue apostolique des Nations à Paris, paru dans La Documentation Catholique du 24 mars 1923 – n° 191

S’il est une vérité d’ordre fondamental, c’est bien celle des droits de la vérité, celle du non-droit de l’erreur. Il est étonnant que pareil sujet doive être traité, mais la déchéance intellectuelle en est venue à ce point que non seulement on ne veut pas voir la vérité, mais que l’on veut se convaincre qu’elle n’est pas. Ce que nous disons de la vérité, il faut le dire de l’autorité basée sur la vérité de l’existence de l’Être suprême dont tous nous dépendons.

En balayant d’un coup la vérité et l’autorité de cette vérité, les ennemis de Jésus-Christ et de la sainte Église renversent, bouleversent,détruisent de fond en comble non seulement l’ordre chrétien mais tout ordre, fût-il simplement naturel, civil, familial religieux ou autre.

L’ordre qui est basé sur le néant ne peut pas se maintenir. C’est pourquoi nous établissons d’un coup et les droits de la vérité et l’injustice de l’erreur.

Nous n’entrons pas dans des considérations trop spéculatives, pour nous borner à reproduire les simples données de la philosophie et de la théologie.

La vérité est la conformité de l’intelligence à l’objet

Saint Thomas d’Aquin trace ces lignes lapidaires : Veritas invenitur in intellectu secundum quod apprehendit rem ut est, et in re, secundum quod habet esse conformabile intellectui [1] . La vérité se trouve dans l’intelligence dans la mesure où celle-ci saisit l’objet tel qu’il est. Elle est dans l’objet même, dans la mesure d’après laquelle l’être, c’est-à-dire cet objet, peut être reproduit intellectuellement. En d’autres termes, pour que l’intelligence possède la vérité sur un objet, ou soit vraie, il faut que cet objet soit, ensuite il faut que l’intelligence l’ait perçu tel qu’il est, et tel, le reproduise intellectuellement. C’est pourquoi, dit ailleurs saint Thomas, unumquodque inquantum habet de esse, intantum est cognoscibile [2]. Pour qu’une chose soit connue, il faut qu’elle soit, et elle ne peut être connue que pour autant qu’elle est.

Pour que la vérité existe dans l’intelligence, il est donc nécessairement requis que l’intelligence reproduise intellectuellement, ou si on préfère, par image intellectuelle, la réalité objective dans la mesure où celle-ci est. Celle-ci est elle-même dans la mesure où elle reproduit le concept éternel de Dieu qui l’a créée. C’est pourquoi saint Thomas définit la vérité : Adæquatio rei et intellectus [3] , entendant par là que, pour être vraie, la chose créée doit correspondre au concept de l’intelligence divine, et que l’intelligence humaine qui possède la vérité ne la possède que dans la mesure où elle est intellectuellement conforme à la chose elle-même.

L’objet a le droit d’être connu de l’intelligence, tel qu’il est

Dire que la vérité seule a des droits, c’est déclarer tout à la fois que l’intelligence faite pour posséder la vérité a le droit de n’être pas induite en erreur, c’est dire surtout que l’objet connu a le droit de n’être pas connu autrement qu’il n’est, et celui d’être connu tel qu’il est.

L’infirmité de l’intelligence humaine peut être telle qu’elle ne conçoive pas dans sa perfection l’essence d’un être. Il n’en reste pas moins que ce qu’elle conçoit doit être conforme à ce qui est.

Dans l’erreur, le néant prend la place de l’objet

Que se passe-t-il dans le cas contraire, quand l’intelligence conçoit conformément non pas à ce qui est, mais à ce qui n’est pas ? Sa conception intellectuelle ne répond à aucune réalité existante, ou, si c’est dans le cas d’une erreur partielle, elle ne correspond que partiellement à ce qu’est cette réalité ; pour l’autre part, elle ne correspond à rien de ce qui est.

Qui ne voit la conclusion que l’on doit tirer immédiatement de là ? Une conception de l’intelligence qui ne correspond à aucune réalité objective ne correspond à rien, c’est-à-dire que pour elle le néant a pris la place de l’objet.

Le néant, donc l’erreur, n’a pas de droits

Or, c’est une vérité de La Palisse, le néant ou le non-être ne peut avoir de droits puisqu’il n’est pas.

Une conception intellectuelle qui ne répond à aucune réalité ne peut être la reproduction d’une réalité vraie. Conséquemment, correspondant au néant qui n’a aucun droit, elle participe au non-droit du néant.

Que si l’homme dont l’intelligence a élaboré des fictions et des erreurs veut leur attribuer des droits qu’elles ne peuvent avoir, ces droits sont l’injustice la plus fondamentale qui puisse être.

Saint ThomasBâtir sur le néant, ou sur l’erreur, c’est le désordre

La folie donc de bâtir une vie sur le néant ! Car c’est ce qui se produit nécessairement quand, au lieu de prendre comme principe de cette vie la vérité, on choisit l’erreur. Néant comme principe de direction à tous mes actes, à tous mes sentiments, à toutes mes pensées, que peut-il y avoir de vrai, de juste, de fondé dans ma vie ? Rien.

Et si l’erreur est à la base de l’ordre social, c’est le néant qui est le principe de direction de la société, des gouvernements, des constitutions des peuples, des législations et le reste. Encore une fois, que peut-on bâtir là-dessus, que peut-on bâtir sur le néant ? Il ne peut y avoir dans l’ordre social ainsi conçu ni vérité, ni justice, ni ordre.

C’est donc fatalement le désordre.

L’expérience le prouve.

Et pour mieux le concevoir, voyez ce qui reste pratiquement, dans la vie individuelle et sociale, comme directive, là où la vérité objective a disparu. Dans l’ordre individuel, il reste la pensée individuelle livrée à toutes ses fantaisies. Dans l’ordre social, il reste la pensée collective livrée à toutes les surprises des caprices des majorités.

Et quand d’un coup on a balayé la vérité, on a supprimé l’Être suprême qui est la grande vérité directrice des peuples et des individus, quand Dieu a disparu du conseil des consciences et des nations, quand il n’y a plus ni sanctions ni responsabilités devant Celui qui est éternel, que reste-t-il à la pensée humaine, collective et individuelle ? Logiquement rien. Dans le fait, malgré tout, malgré la fantaisie humaine et ses caprices, il reste l’éternelle vérité, l’éternelle justice, qui écrasent de tout leur poids ceux qui, se tournant vers elles, leur disent : « Vous n’êtes pas. ».

La vérité divine reprend toujours ses droits

Dieu les proclame et les fait respecter par sa justice.

Oh ! la vérité divine ! Elle reprend ses droits, ses droits marqués du sceau de l’infini, du sceau de l’éternité. Celui que, dans sa folie, l’homme a voulu refouler dans le néant, pour n’avoir comme principe de vie que le néant, ce Dieu est créateur ; tout a été fait par Lui, dans la splendeur infinie de sa beauté. Il redit toutes les conditions de la vérité ; et aux droits qu’Il a donnés Lui-même à toute la vérité, Il ajoute ceux que seul Il peut revêtir parce qu’Il est le seul infini, le seul créateur.

Comment peuvent donc s’insurger contre Lui, contre ses droits, ceux qui dépendent essentiellement de Lui. Il n’est pas étonnant que la vérité éternelle qui a été mise au rancart du néant s’entoure de toutes les rigueurs de la justice pour frapper. Cette justice est vengeresse de sa sœur, la vérité.

La vérité divine se manifeste dans le Christ.

Et l’infini va plus loin, si l’on peut ainsi dire. Cette créature pour laquelle Il a fait la vérité, cet être humain en un mot, Il le destine à l’éternelle félicité. Pour le conduire à cette fin suprême, Il s’incarnera dans la personne de son Verbe. Il paraîtra en ce monde, et là encore Il se montrera Vérité : Ego sum Veritas ! ­ Veritas et gratia per Jesum Christum facta est. C’est la vérité qui est chargée de conduire l’homme à ses destinées, et voyez donc ce qu’il a fallu pour que cette vérité soit faite dans ces conditions par le Christ : il a fallu la passion et la mort du Christ. Elle lui a coûté cher à ce très aimant Maître, mais enfin elle lui appartient, elle est identifiée avec Lui. Et voilà cette vérité, qui est Christ et qui a tous les droits du Christ, lancée par le monde ; de par son autorité Dieu l’appuie. Elle doit éclairer les consciences, elle doit guider l’ordre social. La société doit être imprégnée du Christ parce que l’homme en tant que citoyen comme en tant qu’individu est créature de Dieu et doit avoir comme fin dernière Dieu et l’infinie béatitude.

Ceux qui ne reconnaissent pas Jésus-Christ et son Église, Dieu les frappe.

Aux droits de la vérité, aux droits suprêmes de Dieu, aux droits de Jésus-Christ Verbe fait chair, quel hommage rend l’homme, quel hommage rend le citoyen, quel hommage rendent les gouvernants ?

Redisons-le : afin d’avoir plus sûrement comme principe de la direction des peuples le néant et conséquemment le désordre dans la cité, le désarroi parmi les peuples, ils refoulent dans ce néant par toute la puissance de leur pensée, Dieu et son Christ et l’œuvre qui continue le Christ sur la terre : l’Église.

Est-il étonnant que Dieu, se voyant méprisé dans la vérité qu’il a faite, méprisé en Lui-même et dans son Christ, est-il étonnant, disons-nous, qu’Il châtie les peuples par les fléaux les plus épouvantables ? La guerre, la famine sont peu de chose ; le désarroi, lesbouleversements dans l’ordre économique et politique sont une faible manifestation des terreurs que la justice divine réserve à ceux qui foulent aux pieds sa vérité.

Puissions-nous le comprendre ; puissent, spécialement ceux que Dieu a chargés de gouverner la société, se pénétrer de ces enseignements profonds et les introduire dans la pratique de l’ordre social pour le bien de l’humanité, et les peuples et l’humanité seront sauvés.

[1]    —   Summa theologica, I, q. 16, art. 5.
[2]    —   Ibid. art. 3.
[3]    —   Ibid., art. 1.

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