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La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, qui fête cette année son 46ème anniversaire, a fondé ou accepté de reprendre des écoles pour les mêmes raisons qu’elle a ouvert partout dans le monde des prieurés et des chapelles : parce qu’en raison de la crise de l’Eglise, les fidèles demandaient le ministère de prêtres ayant gardé la messe de toujours et la foi catholique.
De nombreuses écoles privées ont pourtant le label « catholique », en particulier dans notre pays, et dépendent de l’autorité diocésaine. Pour quelles raisons ces écoles ne conviennent-elles pas pour l’éducation des enfants catholiques de la Tradition, c’est ce que j’essayerai d’examiner. Délimitons tout d’abord notre champ d’étude. Il ne s’agit pas d’examiner ici des causes secondaires ou accidentelles, liées aux personnes, aux bâtiments ou aux méthodes particulières mises en oeuvre. Il s’agit de considérer les principes mêmes sur lesquels s’appuie l’enseignement diocésain officiel.
Ecartons également les conséquences du contrat signé avec l’Etat par l’immense majorité des écoles diocésaines selon les termes de la loi appelée « loi Debré », du 31 décembre 1959, modifiée à plusieurs reprises par la suite. Cette loi impose aux écoles privées, tout en leur concédant un caractère propre, de suivre les programmes et les méthodes de l’Etat et fixe les conditions de recrutement des enseignants. Ce simple point justifie déjà amplement le choix d’une école indépendante, pour l’instant encore libre de ses programmes et de ses méthodes, dans le cadre du socle commun décidé par l’Etat.
Le document qui sert de base aux écoles diocésaines est la déclaration Gravissimum Educationis du Concile Vatican II (1). Il est régulièrement cité par tous les documents émanant du Saint-Siège concernant l’éducation et les écoles catholiques (2), ainsi que par les évêques de France (3).
Ce texte fut examiné à la fin du Concile, en même temps que des textes très disputés comme la déclaration sur la liberté religieuse. Les Pères du Concile adoptèrent sans grand enthousiasme ce schéma qui en était déjà à sa septième version (4). Ce texte assez court adopte un plan quelque peu déroutant pour parler des écoles catholiques. Au lieu de s’appuyer sur la mission de l’Eglise qui doit enseigner toutes les nations, ou sur l’obligation qu’ont les parents catholiques de choisir pour leurs enfants une école régie entièrement par l’espr t chrétien, il part du droit de tout être humain à l’éducation et consacre toute sa première partie à cette question, avec maintes références aux différentes déclarations des droits de l’homme ou des droits de l’enfant. Ce n’est qu’à partir du N°8 (sur les 12 que comporte le texte) qu’il est enfin question des écoles catholiques.
Ce texte adopte pour les écoles catholiques le principe du pluralisme joint à celui de la liberté religieuse. Le pluralisme est le fait d’ouvrir l’école à tous les élèves, quelle que soit leur religion, d’admettre à l’intérieur de l’école, par principe, des enfants de différentes confessions religieuses (5).
Ce pluralisme est présenté par Vatican II comme l’état souhaitable de la société politique et de la communauté éducative 6. Dans un récent article de Famille chrétienne (7), la grande crainte d’un directeur d’école secondaire est mise en exergue : « Notre mission première : recevoir tout le monde. Nous ne sommes pas un ghetto catho ». Il faudrait simplement savoir si le but premier de l’école catholique est d’accueillir les catholiques ou les noncatholiques. Depuis toujours, les écoles catholiques ont accepté d’accueillir des enfants non-catholiques, mais à condition que l’enfant accepte tout le côté religieux de l’éducation dispensée (cours de catéchisme, temps de prière, offices liturgiques, exigences morales) et non seulement une vague acceptation d’un projet éducatif qui reste souvent lettre morte. De plus, la proportion de ces enfants dans l’école était limitée strictement sous peine de voir l’école perdre son identité catholique. Que reste-t-il de catholique à une école qui a plus de la moitié de ses élèves musulmans, alors que les enseignants catholiques se comptent sur les doigts d’une main ? Mgr Tissier de Mallerais rapporte dans sa biographie de Mgr Lefebvre (8) que les collèges fondés par les missionnaires dans les pays mêlant catholiques et musulmans ne pouvaient accepter plus de 20 % de non catholiques et que tous les élèves assistaient au cours de catéchisme. Il s’agissait pourtant de pays de mission, mais dans les écoles catholiques, il fallait au moins 80 % de catholiques.
Devant la perte d’identité des écoles diocésaines, des voix s’élèvent pour appeler à un renouveau spirituel, à un renforcement du caractère catholique de ces établissements devenus catho-ligth. Mais c’est toujours sans remettre en cause les bases posées par le Concile Vatican II, horizon indépassable de toute pensée religieuse pour les adeptes de l’Eglise conciliaire. Mgr Cattenoz, évêque d’Avignon, est l’une de ces voix. Il se lamente de ce que les écoles catholiques ne le sont plus que de nom, qu’elles ne conservent qu’un pâle vernis superficiel religieux mais sont en réalité des écoles privées choisies par les parents pour des motifs bien étrangers à la foi : moyen d’échapper à la carte scolaire, encadrement plus sérieux, moins de grèves des enseignants, voire sélection du milieu social des enfants par les frais de scolarité. Mais il ne revient pas sur le pluralisme :
« Bien évidemment, des élèves de religions ou de philosophies différentes seront acceptés dans les établissements ouverts à tous, non par nécessité économique ou seulement légale, mais par choix pastoral de témoignage et de charité pour tous les hommes » (9).
La question ici est celle de l’ordre de la charité. Il ne s’agit pas de refuser l’apostolat envers ceux qui n’ont pas le bonheur de partager la foi, mais de créer des écoles pour les enfants des familles catholiques où ils puissent vivre dans une atmosphère pleinement catholique comme l’Eglise l’a toujours demandé (10). Les deux finalités sont différentes : elles peuvent se rencontrer dans une mesure strictement limitée au-delà de laquelle elles s’annulent : et les enfants catholiques ne bénéficieront pas de l’école qui leur convient, et les enfants non-catholiques ne recevront pas l’évangélisation que l’Eglise pourrait leur apporter. A force de mêler une couleur à une autre, la première couleur disparaît, c’est une loi physique (11).
Le deuxième principe de Vatican II qui s’unit au pluralisme et renforce son pouvoir diluant est la liberté religieuse. Cette expression peut désigner le droit légitime des parents catholiques de confier leurs enfants à des établissements catholiques. Même si ce droit est évoqué, il est de fait combattu par la quasi-disparition du caractère catholique des écoles diocésaines. Il s’agit ici plus particulièrement du droit des enfants non-catholiques admis dans les écoles catholiques d’une part à ne pas être obligés à prendre part à des cérémonies contraires à leurs croyances (une messe pour un protestant, une prière comme le signe de croix pour un musulman) et à ne subir aucune contrainte qui pourrait les détourner de leurs croyances (12). Il ne manquerait plus que de mettre à leur disposition des lieux pour y exercer leur culte.
La difficulté est donc de concilier instruction religieuse et vie liturgique avec ce principe nouveau. Les différents textes nous montrent la difficulté de cette entreprise. Il n’est donc pas question d’imposer quoi que soit en matière religieuse, car « la contrainte en effet comporte une violence morale que le message évangélique et la discipline de l’Eglise écartent résolument » (13). Il est bien évident que l’Eglise respecte le principe de la liberté de l’acte de foi et ne baptise que des volontaires. Il est par contre faux de rejeter tout ce qui pourrait sembler une incitation d’ordre moral. Notre Seigneur dans l’évangile affirme résolument : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné » (Mc, XVI, 15) : c’est une formidable contrainte que celle de la damnation éternelle. Nous ne pouvons forcer l’acte de foi, qui est essentiellement libre, mais nous pouvons y amener par l’instruction religieuse, la fréquent ton de s offices, l’exemple des vertus chrétiennes ou l’ordonnance générale de l’école. Ce sera ensuite la grâce de Dieu qui permettra cette s umission de l’intelligence à la Révélation divine. Les écoles diocésaines parlent prudemment d’un exposé, d’une proposition qui se veut explicite.
Une revue de l’UNAPEL (14) rapporte ainsi les propos d’Agnès Auschitzka, théologienne et psychologue :
« L’Eglise, depuis plusieurs années, évite l’expression « transmettre » la foi. On parle plutôt d’ »éveiller » à la foi, de « proposer » la foi ou d’ »initier » à la foi. La foi n’est pas quelque chose qui se transmet, comme des connaissances, des habitudes alimentaires, la politesse, ou les vertus morales ».
C’est la pastorale de la proposition, qui plus est réservée aux seuls baptisés. La solution adoptée consiste à séparer les cours de religion de la catéchèse. Les cours de religion sont inscrits dans l’emploi du temps, ils sont obligatoires pour tous les élèves et se contentent d’exposer le « fait rel igieux » chrétien, voire catholique. La catéchèse est réservée aux élèves baptisés volontaires et prépare à la réception des sacr m nts.
Ainsi l’enseignement religieux est à deux vitesses : celui qui expose une culture chrétienne, celui qui est censé nourrir la foi des baptisés demandeurs. Mais comme cela semble quand même un peu léger, il est prévu qu’au moins une fois dans l’année, tous les élèves reçoivent un témoignage de foi explicite. C’est la « première annonce » ainsi décrite :
« Cette annonce est assurée par un croyant qui ose une parole de foi, à un moment donné de la vie de l’établissement, de la classe […] Il s’agit, dans une situation donnée, d’avoir une parole qui engage » (15).
Tant d’audace nous laisse pantois. Mgr Cattenoz reconnaît l’indigence de cet enseignement religieux : « La « proposition » de la Foi dans les établissements catholiques est trop souvent indigente, peu rigoureuse sur les termes et les concepts, envahie d’un syncrétisme justifié par cette fameuse ouverture à tous. Elle véhicule parfois de véritables hérésies et se réduit à une simple culture religieuse limitée à un fond commun de l’humanité. On est souvent satisfait dans les établissements catholiques d’avoir réussi une « sensibilisation » au mieux à Dieu, au pire au fait religieux » (16).
Le respect de la liberté religieuse joint au pluralisme conduit mécaniquement à l’affadissement et à la disparition du caractère propre des écoles diocésaines : « Si le sel s’affadit, avec quoi le salera-ton ; il n’est plus bon qu’à être jeté dehors et foulé par les passants » (Mt V, 13). Le côté religieux est mis de côté pour ne pas heurter la sensibilité de la majorité des élèves.
Mgr Defois, alors évêque de Lille, n’hésitait pas à écrire aux enseignants des écoles catholiques :
« Je rêve que, tout en étant des « laboratoires d’humanité » comme je vous le disais dans une précédente lettre, nos établissements deviennent aussi des « écoles de la foi ». Mais entendons-nous bien ! Je rêve qu’au travers de la rencontre de leurs équipes éducatives, des pédagogies mises en oeuvre, les jeunes qui nous sont confiés puissent apprendre de nous la foi en la vie et en l’Homme » (17).
Des tentatives de restauration apparaissent régulièrement, mais qui s’appuient toutes sur les textes du Concile Vatican II qui faussent les bases de l’école catholique (18).
Nous laisserons le mot de la fin à une mère de famille citée dans le courrier des lecteurs de la revue Famille chrétienne (19) :
« En ce qui me concerne, j’ai fait le choix de l’école à la maison et si je le pouvais géographiquement (nous sommes en zone rurale), nos enfants seraient dans le hors-contrat. Pourquoi nous ne voulons pas de l’Enseignement catholique actuel pour nos enfants ? […] le problème que nous soulevons est qu’Enseignement catholique et Enseignement public sont identiques ! […] Les parents sont aussi en attente d’une école complètement chrétienne, tant dans sa proposition spirituelle que dans la formation honnête qu’elle délivrerait aux enfants. Pour ces raisons, si aujourd’hui nous devions scolariser nos enfants, ils seraient dans le public qui délivre gratuitement le même enseignement que dans le privé. »
Abbé Ludovic Girod, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Source : La Porte Latine du 27 novembre 2016
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