Plaque de rue en yiddish à Paris maintenant ?

Telle est la nouvelle sidérante publiée par « Tribune juive »

Ce journal est fondé par le rabbin Jacquot Grunewald qui reprend, en 1965, la direction du mensuel Bulletin de nos communautés d’Alsace et de Lorraine, créé en 1945, et le renomme en 1968 « Tribune juive ».

Il sera dirigé par plusieurs personnalités dont Jacques Attali.

Tribune juive était jusqu’en 2012 un journal mensuel français qui « s’adressait en premier lieu à la communauté juive francophone ».

Avec 8 numéros de 100 pages et 2 numéros de 140 pages par an, il est positionné comme un journal d’opinion avec une rubrique news, une rubrique culture et un agenda. Certains numéros émergent du paysage de la presse française avec des couvertures telles qu’Alain Finkielkraut, Simone Veil, Rachida Dati et Rama Yade, dernier numéro paru sous la direction d’Ivan Levaï. Rien que du beau monde !

Le magazine change plusieurs fois de propriétaire, ce qui ne l’empêche pas de faire faillite et d’être mis en liquidation judiciaire en 2011.

En 2012, le titre est repris par André Mamou, avec Sylvie Bensaïd, rédactrice en chef adjointe, Yves Sroussi, directeur commercial et Michelle Delinon, secrétaire de rédaction, et monte le site internet : <tribunejuive.info.>

En 2016, il se définit comme un webmagazine « républicain, laïque, admirateur de l’État d’Israël ». (sic !)

Cet organe de propagande sioniste nous gratifie le 20 novembre, de cet article, signé du directeur André Mamou, au titre fracassant et au contenu qui pose pour le moins question :

Au Marais, une plaque de rue « Pletzl » La place, en yiddish

http://www.tribunejuive.info/israel/au-marais-une-plaque-de-rue-pletzl-la-place-en-yiddish

Paris, rive droite, la ligne numéro 1 du métro va de La Défense au Château de Vincennes. Entre Hôtel de Ville et Bastille, il y a le cœur du Paris populaire à la station Saint Paul Le Marais.

« Il y a 7 ou 8 siècles, c’était une zone de marécages en dehors des murailles du Paris de l’époque. Les juifs n’avaient pas le droit d’habiter dans l’enceinte de la ville et ils y entraient pour travailler ou commercer mais en sortaient la nuit venue. Les juifs s’étaient établis aux pieds des murailles, à proximité des issues fortifiées. Philippe Auguste gouvernait la France en rançonnant les congrégations religieuses et les juifs. » (sic !)

Certes, Philippe Auguste a fait procédé à l’expulsion des juifs en 1182, une expulsion incomplète et comme toujours temporaire car l’interdiction du territoire cesse en 1198 : l’attitude de tolérance, qu’avait préconisée Louis VII, redevint alors la norme !

Quant aux « congrégations religieuses rançonnées» évoquées, on supputera que dans l’imaginaire historique approximatif d’André Mamou il s’agit bien de chercher à salir l’image de ce roi capétien, le premier à proclamer le caractère héréditaire de la monarchie et à avoir su créer l’état français post féodal…

Mais la question n’est pas là du tout ici…

Continuons l’article :

« Aujourd’hui la rue des Rosiers décrit une courbe de la droite vers la gauche car elle longe l’emplacement des fortifications. C’est le quartier ancien des juifs de Paris : artisans en bijouterie fantaisie ou en «shmates», casquettes, jupes et pantalons sur mesure, un petit peuple inventif, dur à la tâche, cherchant une issue à la misère par un travail acharné, les yeux fixés sur l’avenir. »

Et là cela devient franchement cocasse :

« La rue des Francs Bourgeois qui conduit à la Place des Vosges, la rue du Trésor, la rue des Hospitalières Saint Gervais et la rue des Rosiers, un quadrilatère chargé d’histoire, les musées installés dans les beaux hôtels particuliers attirent les touristes et le Marais est bien au-dessus des autres quartiers juifs d’Europe comme celui de Prague. »

Merci monsieur Mamou de reconnaître que ce quartier est bien plus chargé d’histoire que les autres « quartiers juif d’Europe » ! La raison en est très simple et les noms de rues comme l’édification des hôtels particuliers qui s’y trouvent, en témoignent, même si cela ne fera plaisir à tout le monde: l’histoire effectivement si riche et si ancienne du quartier du marais ne doit pratiquement rien aux juifs avant le XIXeme siècle !

L’énumération qui suit, faite par l’auteur, ne contredira justement pas ce fait :

« L’école des métiers de l’ORT, le hammam, Goldenberg, incontournable restaurant ashkénaze, « L’as du falafel» « Le café des Psaumes » « Miznon » … aujourd’hui ce sont les enseignes les plus connues du Marais. Les boulangers, les boucheries Kosher, les bistros et les boutiques des créateurs venus se ressourcer. Un quartier vivant, animé, amusant où des couples du même sexe saluent gentiment des rabbins affairés, transpirant sous leurs grands chapeaux noirs. Les jeunes, les touristes, les bobos, les juifs se croisent et, miracle de l’endroit, tout le monde sourit : c’est le shalom qui veille sur tous. »

Or – on n’est jamais trahi que par les siens – comme les faits sont têtus, on trouvera la confirmation par « JGuideEurope », le guide touristique du judaïsme européen réalisé avec le soutien de la Fondation Jacques et Jacqueline Lévy-Willard, sous l’égide de la Fondation du Judaïsme français.

https://jguideeurope.org/fr/region/france/paris-et-ses-environs/le-marais/

– la synagogue de la rue Pavé date de… 1913 !

– l’hôtel de Saint Aignan du XVIIeme siècle (qui n’a rien de juif !) devenu « Musée d’Art et d’Histoire du, judaïsme »  abrite des collections qui datent de la fin du XIXeme siècle !

L’hôtel de Saint-Aignan, racheté par la Ville de Paris en 1962, et est classé monument historique en 1963.

En 1998, à l’initiative du maire de Paris, Jacques Chirac, l’hôtel de Saint-Aignan est affecté à l’installation d’un musée consacré à la civilisation juive ! Il y a donc… vingt ans !

– la synagogue des Tournelles, à proximité, date de 1861 et a été incendiée… par la Commune, si chère à cette communauté (et sera évidemment reconstruite)…

On pourrait continuer longtemps, il suffit de lire la notice du guide (juif revendiqué je le rappelle)…

Le grand élan lyrique de cet article est donc simplement là pour justifier l’incroyable qui suit :

« C’était l’endroit, c’était la place et en yiddish on parlait du « pletzl », autrement dit, the place to be . »

« Sebestyén Fiumei, un artiste établi à Paris, vient de réaliser une plaque de rue : Pletzl, en lettres hébraïques avec les deux lamed ( L ) plus hautes lettres de l’alphabet car le mot Limoud ( étude, savoir ) commence par cette lettre !

La plaque a été apposée à l’angle de la rue des Rosiers et de la rue des Hospitalières Saint Gervais. Une belle initiative et une réalisation chargée de sens pour cette plaque de rue devenue œuvre d’art. »

Vous avez bien lu : s’appropriant le quartier, maintenant ils en rebaptisent les rues !

On pourra s’interroger sur la légalité de l’apposition, éminemment politique, d’une telle plaque dans le domaine public et on attend de voir les réactions du Conseil de Paris et de la Préfecture…

Sans se faire trop d’illusions…

La réaction du CRIF, s’il y en a une, serait plus intéressante quand on sait que 75% de la communauté juive qui est en France est sépharade et que plus de la moitié des ashkénazes de France ne parlent ni ne lisent l’hébreu…

Dès lors se pose la question de l’insupportable discrimination dont la présence de la communauté sépharade est victime, dans sa lisibilité et sa culture. Car elle a aussi sa langue, comme toutes les communautés juives d’importance en ont une: le ladino !

Allons-nous donc voir maintenant fleurir un peu partout des pancartes en ladino ?

Quand on sait que l’état refuse ou reste très réticent à l’usage local des langues régionales (alsacien, breton, basque, provençal) ce serait pour le moins cocasse !

Claude Timmerman

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