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C’est à la chapelle de la Visitation
à Nice que Monseigneur Lefebvre a célébré le 17 février, premier
dimanche de Carême, sa dernière messe solennelle et prononcé sa
dernière homélie. Nous en publions le texte ci-dessous.
Mes bien chers frères,
C’est avec une grande joie, une grande satisfaction que
je me trouve aujourd’hui au milieu de vous dans cette admirable église
de Sainte-Claire, remplie de tant de souvenirs. Il se trouve que la
Providence a choisi le premier dimanche de Carême pour que je sois parmi
vous. Alors vous me permettrez de vous donner quelques conseils pour
bien pratiquer ce carême qui n’est autre que la préparation de la belle
fête de Pâques. Nous faire participer à la Résurrection de Notre
Seigneur Jésus-Christ, mais avant il faut que nous participions aussi à
sa Passion, à sa Rédemption, à son Sacrifice.
Il est vrai que le Carême est un temps de pénitence et
que par conséquent nous devons fournir quelques efforts pour nous priver
des satisfactions habituelles, du manger, du boire et autres, dont il
est bon de se priver de temps en temps pour nous attacher davantage aux
biens spirituels, oubliant un peu les biens temporels pour nous élever
vers les biens éternels. Mais plus encore que ces pénitences, il plaît à
Dieu que nous pratiquions ses commandements. Dieu nous a créés pour Le
rejoindre un jour. Ce chemin qui nous conduit à Lui à travers les
quelques années que nous passons ici-bas est orienté vers Lui par sa
Loi. Sa loi n’est autre en définitive que les jalons que Notre Seigneur a
posés le long de notre chemin terrestre pour arriver au Ciel, pour
arriver au bonheur céleste.
Que sont donc ces commandements de Dieu ? Notre
Seigneur a pris soin Lui-même de nous les rappeler et saint Paul aussi
nous le répète. Ils consistent simplement à aimer Dieu et à aimer son
prochain. Tous les commandements de Dieu se résument à cela. Et dans la
mesure où nous aimons Dieu et où nous aimons notre prochain et que nous
le manifestons dans notre vie quotidienne, dans nos actions de tous les
jours, nous nous dirigeons paisiblement vers le bonheur du Ciel.
Comment manifester d’une manière particulière notre
amour envers le Bon Dieu ? Je pense que la manière la plus profonde, la
plus essentielle de manifester notre amour au Bon Dieu c’est de prier.
Nous avons tous appris comment prier dans notre catéchisme, le petit
catéchisme d’autrefois, car malheureusement les catéchismes
d’aujourd’hui ont tout déformé et ne définissent plus rien. Mais nous,
nous gardons la bonne définition du temps d’autrefois : « La prière est
une élévation de l’âme vers Dieu ».
C’est simple, c’est peu de chose, mais c’est beaucoup.
Elever nos âmes vers Dieu. Je pense que si nous pratiquions davantage
cette définition de la prière, « élever nos âmes vers le Bon Dieu »,
nous serions moins attachés justement aux biens de cette terre et nous
serions davantage attachés à Dieu Lui-même et aux biens célestes.
Par conséquent, faisons un effort au cours de ce carême, pour mieux prier et pour prier davantage.
Et quelles sont les manières de prier ? Quelles sont les différentes espèces de prières ?
Eh bien, il y a la prière vocale : celle que vous
faites ici, au cours de cette Sainte Messe, au cours des exercices que
vous faites en commun : le chapelet que vous récitiez tout à l’heure. Ce
sont les prières vocales par lesquelles vous exprimez votre amour au
Bon Dieu et par lesquelles vous élevez votre âme vers le Bon Dieu. C’est
donc une prière que nous devons beaucoup estimer et pratiquer :
particulièrement l’assistance à la messe et aussi lorsque nous le
pouvons, réciter notre Rosaire, prier la Très Sainte Vierge Marie, nous
unir à Elle, et toutes les pratiques de prière vocale, toutes les
dévotions approuvées par l’Eglise et qui sont celles que toutes les âmes
dévotes ont faites au cours de leur vie, ces âmes qui, nous ayant
précédés au Ciel, chantent maintenant les louanges du Bon Dieu au Ciel,
particulièrement les Saints et les Saintes.
L’autre moyen de prier, c’est la prière mentale, ce que
l’on appelle l’oraison. L’oraison mentale consiste à élever son esprit
vers le Bon Dieu en réfléchissant aux grandeurs de Dieu, à ses
perfections, mais sans prononcer de paroles extérieures. C’est une autre
forme de la prière. Et celui qui vient au cours de la journée se
recueillir auprès du Saint Sacrement, auprès de Notre Seigneur, et qui,
sans avoir besoin de prononcer des paroles, élève son âme vers le Bon
Dieu, soumis à Lui, pense à Lui, vit quelque temps avec Lui, se séparant
ainsi des soucis de ce monde, des soucis quotidiens, pour élever son
âme vers le Bon Dieu, effectue la prière mentale. Elle est conseillée
bien sûr par les directeurs spirituels, par tous les saints, par tous
ceux qui ont fondé des Ordres. Vous savez bien que les bonnes Clarisses
qui étaient ici avant, derrière ces grilles, pratiquaient l’oraison
mentale pendant de longs moments. Il en est ainsi dans tous les carmels,
dans toutes les congrégations religieuses et même les règlements du
clergé demandent aux prêtres, aux religieux et religieuses, de pratiquer
l’oraison mentale. Alors il est bon pour les fidèles aussi d’imiter
ceux qui sont particulièrement consacrés au Bon Dieu et de pratiquer
cette oraison mentale. On peut la faire non seulement dans une église,
dans une chapelle, on peut la faire chez soi, devant une statue de la
Vierge, devant un Crucifix, une petite chapelle que l’on a pratiquée
dans sa maison. On peut très bien prier Notre Seigneur et s’unir à la
Très Sainte Vierge Marie, dans son esprit.
Il y a une troisième espèce de prière, qui est
l’essentiel, qui est la plus importante : prière vocale, oraison mentale
– la prière du cœur.
Qu’est-ce que la prière du cœur ? C’est celle qui
exprime intérieurement l’amour que l’on a pour le Bon Dieu, sans même
avoir de pensées particulières sur tel sujet, telle perfection du Bon
Dieu, telle manifestation de la charité de Dieu envers nous. Mais tout
simplement aimer Dieu, exprimer notre amour au Bon Dieu. Elle ressemble
un peu à un enfant dans les bras de sa mère, à ce qu’il peut avoir dans
son cœur pour sa maman et pour son papa. Il est heureux. Il est dans les
bras de son père, de sa mère. Il ne pense pas à autre chose. Il ne
pense qu’à aimer ses parents. Eh bien, nous aussi, nous devrions avoir
cet amour naturel, profond, constant pour le Bon Dieu. Et cette prière
est la plus agréable au Bon Dieu, parce qu’elle nous met à sa
disposition. Nous nous offrons par le fait même, tout entiers à Dieu.
Nous offrons notre corps, nous offrons notre volonté, nous offrons notre
temps et tout ce que nous sommes, à Celui qui nous a créés, à Celui qui
nous attend, pour nous donner ce bonheur céleste qu’Il a préparé pour
nous. Et c’est le meilleur moyen de ne plus pécher, du moins de ne plus
pécher gravement. Celui qui aime vraiment le Bon Dieu, en quelque sorte
donne son être et tout ce qu’il est au cours de la journée et tout le
temps. Cette prière du cœur peut exister toujours, sans arrêt. De même
qu’un enfant qui aime ses parents, les aime toujours, avec une
continuité parfaite, nous aussi nous devrions aimer de cette manière le
Bon Dieu. Et l’aimant de cette manière, le péché ne nous fera plus peur,
parce que nous sentirons qu’une désobéissance au Bon Dieu nous éloigne
de Lui. Alors, si vraiment nous L’aimons, comment vouloir à la fois
L’aimer de tout notre cœur et en même temps Lui déplaire et Lui
désobéir. Il y a comme une espèce de contradiction. Voilà pourquoi la
prière du cœur est si importante.
Je vous demande beaucoup au cours de ce carême de vous
mettre entre les mains du Bon Dieu, d’oublier un peu les choses de ce
monde, pour vous attacher au Bon Dieu. C’est le premier conseil que je
vous donnerai au sujet de cette réalisation de la Loi du Bon Dieu qui
nous demande de L’aimer. La première table de la Loi de Moïse portait
ces trois commandements pour le Bon Dieu. La deuxième table, c’était
celle qui indiquait la loi de l’amour du prochain. Comment
pourrions-nous manifester notre amour envers le prochain ? Certes par
les services que nous rendons à notre prochain dans nos familles, dans
notre profession, dans notre vie quotidienne, mais nous pourrions aussi
nous demander comment nous manquons de la manière la plus fréquente à
l’amour envers notre prochain.
Il faut pour cela consulter saint Jacques qui, dans la
lettre qu’il a écrite et qui est consignée dans la Sainte Ecriture, nous
parle de ce petit membre que le Bon Dieu nous a donné et qui s’appelle
la langue. Et il nous dit : « C’est avec la langue que l’on chante les
louanges du Bon Dieu, mais c’est aussi avec la langue que l’on allume le
feu de l’iniquité et le feu de la division ». Et c’est vrai.
Alors faisons un petit effort pour pratiquer la charité
de la parole et, par le fait même, la charité de la pensée. Ainsi,
évitons les jugements téméraires, les médisances, les calomnies qui sont
si faciles et si tentantes parfois dans les conversations. On aime
malheureusement critiquer ceci, cela ; diviser au lieu d’unir, au lieu
de pratiquer la charité. Faisons un effort pour manifester l’amour de
notre prochain au cours de ce carême en essayant d’éviter médisances et
calomnies, tous ces péchés de la langue. Voilà, mes bien chers frères,
les conseils qu’il me semble bon de donner au début de ce carême.
Demandons à la Très Sainte Vierge Marie, à saint
Joseph, à l’Enfant Jésus de vivre comme ils ont vécu à Nazareth. Il faut
penser que l’exemple que Notre Seigneur nous a donné est absolument
remarquable. Dieu Lui-même (car c’est Dieu qui est descendu parmi nous)
qu’a-t-il fait pendant les trente-trois années de sa vie ? Sur ces
trente-trois années qu’Il a passé ici-bas avant de monter au Ciel, Il
est resté trente ans dans la vie de famille, sauf lorsque, quittant ses
parents, Il demeura à Jérusalem pour aller enseigner les docteurs de la
Loi. C’est le seul événement que nous connaissons au cours de son
enfance, de son adolescence. Jusqu’à l’âge de trente ans Il a pratiqué
la charité dans la famille. C’est un exemple admirable que Notre
Seigneur nous a donné.
Il ne nous demande donc pas des choses absolument
impossibles, seulement la pratique de la charité, pratique de la charité
envers Dieu, envers le prochain, comme Il l’a fait Lui-même dans la
famille de Nazareth.
Demandons à la Vierge Marie et à saint Joseph de nous
aider à pratiquer cette charité pour que, avec la grâce du Bon Dieu,
avec la grâce des sacrements que nous recevons, nous nous dirigions
lentement vers le but pour lequel nous sommes ici-bas : partager un jour
le bonheur du Ciel avec tous ceux que nous aimons et qui nous ont
quittés.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
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