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Louis Bouyer, théologien (il était spécialiste de la
liturgie) et ami de Paul VI, a été mêlé de très près à la réforme
liturgique qui a abouti à la nouvelle messe. Ses Mémoires ont été
éditées en 2014 aux éditions du Cerf. Acquis aux idées modernes, mais
cultivé, d’humeur indépendante, connaissant tout le monde et en plus
assez mauvaise langue, ce qui rend hélas son écrit encore plus agréable à
lire : son témoignage sur cette période est fort instructif. Entre
autres, on peut relever ce passage qui manifeste le grand sérieux avec
lequel le missel de Paul VI a été composé :
On aura une idée
des conditions déplorables dans lesquelles cette réforme à la sauvette
fut expédiée, quand j’aurai dit comment se trouva ficelée la seconde
prière eucharistique. Entre des fanatiques archéologisant à tort et à
travers, qui auraient voulu bannir de la prière eucharistique le Sanctus
et les intercessions, en prenant telle quelle l’eucharistie
d’Hippolyte, et d’autres, qui se fichaient pas mal de sa prétendue
Tradition apostolique, mais qui voulaient seulement une messe bâclée,
dom Botte et moi nous fûmes chargés de rapetasser son texte, de manière à
y introduire ces éléments, certainement plus anciens, pour le lendemain
! Par chance je découvris, dans un écrit sinon d’Hippolyte lui-même, du
moins dans son style, une heureuse formule sur le Saint-Esprit, qui
pouvait faire une transition, du type Vere sanctus, vers la brève
épiclèse. Botte, pour sa part, fabriqua une intercession plus digne de
Paul Reboux et de son A la manière de … que de sa propre science. Mais
je ne puis relire cette invraisemblable composition sans repenser à la
terrasse du bistrot du Transtévère où nous dûmes fignoler notre pensum,
pour être en mesure de nous présenter avec lui à la Porte de Bronze à
l’heure fixée par nos régents ! (p. 199).
Une partie importante du canon
composée au bistrot : si l’Église conciliaire boit la tasse, il ne faut
pas accuser le manque de pot !
Abbé B. Espinasse
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